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Du 4 au 12 novembre 2024, le Parlement européen va procéder aux auditions des 26 candidats-commissaires qui doivent composer la seconde équipe d’Ursula von der Leyen. L’objectif est de vérifier s’ils ont les qualités, les connaissances et l’attitude requises pour ce mandat. Ils se sont déjà pliés à l’exercice des questions écrites, mais leurs réponses aux députés, pétries de généralités et du sabir parlé rue de la Loi, laissent présager un processus bien terne. Est-ce l’effet de l’encadrement des candidats par les services de la Commission, de la crainte des règlements de compte politiques au Parlement, ou de leur soumission à Ursula von der Leyen ?





Les évolutions de la procédure de nomination de la Commission

 

Les modalités de nomination de la Commission ont beaucoup évolué au fil du temps. A l’origine, le traité de Rome (1958) prévoyait simplement que les gouvernements désignent les commissaires d’un commun accord et choisissent un président parmi eux. Dans les années 1980, le Parlement européen (PE) a commencé à approuver la nomination de la Commission, sans avoir de compétence spécifique pour le faire. Le traité de Maastricht (1993) a formalisé cette pratique, en conditionnant l’investiture de la Commission à un vote d’approbation du PE. Il a aussi fait coïncider les mandats des deux institutions : depuis 1994, la Commission est ainsi nommée pour cinq ans, juste après les élections européennes. A cette époque, sans que le traité ne le mentionne, le PE a pris l’initiative d’auditionner les candidats-commissaires devant les commissions parlementaires compétentes, avant de les investir collectivement. Depuis le traité d’Amsterdam (1999), la procédure d’investiture prévoit deux votes distincts du PE : le premier sur le président ou la présidente de la Commission, et le second sur le collège dans son ensemble. Le traité de Nice (2003) a accru les pouvoirs du Président de la Commission, qui assure depuis 2004 la répartition des portefeuilles et des vice-présidences, et peut modifier ces choix en cours de mandat ou contraindre un commissaire à la démission. Enfin, le traité de Lisbonne (2009) a précisé que le choix du candidat à la présidence doit tenir compte du résultat des élections européennes, et que celui-ci doit être « élu » par le PE.

 


Une procédure complexe en 6 étapes

 

Aujourd’hui, la procédure de nomination comporte 6 étapes, dont 3 ont déjà été franchies par la Commission von der Leyen II :

1.      le Conseil européen propose, à la majorité qualifiée (55% des Etats représentant 65% de la population de l’Union), un candidat à la présidence de la Commission ; cela s’est passé le 27 juin 2024 pour Ursula von der Leyen ;

2.      cette candidate est « élue » par le PE à la majorité de ses membres ; Mme von der Leyen l’a été le 17 juillet 2024 ;

 


3.      le Conseil européen désigne, à la majorité qualifiée et d’un commun accord avec la présidente élue, les autres commissaires sur la base des suggestions faites par chaque représentant national. La présidente attribue les portefeuilles et les vice-présidences ; ces éléments sont connus depuis le 17 septembre 2024 ;

4.      le PE auditionne les candidats devant les commissions parlementaires compétentes ; les auditions sont prévues début novembre 2024 ;

5.      le PE vote, à la majorité des suffrages exprimés, l’investiture de la Commission en tant que collège. Dans les faits, il peut d’abord formuler des commentaires sur la composition de la Commission pour obtenir des adaptations (changements de candidats et de portefeuilles), comme il l’a fait systématiquement depuis 2004 ;

6.      le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, nomme la Commission qui entre en fonction pour cinq ans.



 Le déroulement des auditions

 

La prochaine étape-clé pour la Commission von der Leyen II est celle des auditions, prévues du 4 au 12 novembre. La procédure a déjà débuté par l’examen des éventuels conflits d’intérêts des candidats, et par une phase écrite. Les candidats-commissaires ont été invités à répondre par écrit à des questions formulées par les députés. Elles portent sur des enjeux généraux (compétences pour le portefeuille, intérêt pour les questions européennes, indépendance, relations futures avec le PE…) et sur des éléments plus spécifiques (priorités politiques, dossiers en cours…). Cet exercice permet de cerner les profils et les intentions des candidats, et d’approfondir la discussion pendant l’audition. Celle-ci dure trois heures : le candidat fait une déclaration puis répond brièvement (3 minutes) à 25 questions réparties entre les groupes politiques. Les députés peuvent éventuellement poser une question de suivi.


Audition de Thierry Breton en 2019


A priori, les candidats n’ont pas connaissance des questions qui leur seront posées à l’oral. Il revient toutefois à leur entourage de déminer le terrain et de faire jouer leurs réseaux, notamment politiques, pour anticiper les questions. En outre, les députés de la famille politique du candidat-commissaire leur posent des questions plutôt amicales qui leur permettent valoriser leurs qualités, leurs connaissances et leurs projets.

 

La prestation de chaque candidat est évaluée par les représentants des différents groupes politiques au sein de la commission parlementaire, appelés les « coordinateurs ». Le candidat est approuvé s’il emporte la conviction de coordinateurs représentant au moins les deux tiers des membres de la commission. A défaut, les députés peuvent lui adresser de nouvelles questions écrites et procéder à une seconde audition. Si le candidat ne convainc toujours pas, la commission parlementaire se prononce sur son cas à la majorité simple. Au terme du processus, les lettres d’évaluation rédigées par les différentes commissions parlementaires sont rendues publiques, exigeant éventuellement des modifications du collège proposé. Si certaines candidatures sont retirées ou modifiées, de nouvelles auditions ont lieu.  

 

Quand le PE est satisfait de toutes les auditions, il procède à un vote d’approbation. Ce vote est moins périlleux que l’élection de la Présidente, puisqu’il requiert la majorité absolue et non celle des membres. Pour mémoire, la majorité absolue exige 50% des votes exprimés : les abstentions et les votes nuls ne sont pas pris en compte, et les absents ne pèsent pas. Le candidat à la présidence doit pour sa part obtenir une majorité « des membres » : les abstentions, les votes nuls et les absents s’opposent à son élection.

 

Les votes d’investiture depuis 1995

Source : Parlement européen. Compilation et calculs de l’auteur.

N.B. : La marge est la différence entre les votes « oui » et « non », quand une majorité absolue est requise, et la différence entre les votes « oui » et le nombre de voix à atteindre quand une majorité des membres est exigée.

 

 

Des auditions de plus en plus partisanes

 

Avec le processus des « candidats de tête » et la fragmentation politique croissante du PE, les auditions sont de plus en plus conditionnées par des jeux partisans. Aujourd’hui, quasiment tous les commissaires ont une expérience parlementaire et/ou ministérielle, et tous revendiquent une appartenance partisane. Les députés ne cherchent donc pas seulement à s’assurer de la compétence et de la probité des candidats-commissaires, mais s’intéressent fortement à leurs orientations politiques. En effet, si du côté du Conseil européen on estime que la nomination de la Commission est un processus avant tout intergouvernemental (chaque gouvernement proposant un commissaire qui est généralement de son bord politique), la majorité des députés estiment que l’Union doit être régie par une logique d’ordre parlementaire. L’identité du président de la Commission, la composition de celle-ci, la distribution des portefeuilles et son programme sont censés être en phase avec le résultat des élections européennes, comme c’est le cas dans un régime parlementaire classique. C’est aussi la condition du soutien que le PE apportera à l’action de la Commission. Les candidats-commissaires doivent naviguer entre ces deux visions, et ménager tout à la fois la confiance du Conseil européen et celle du PE. Pour y parvenir, ils ajustent constamment leur discours, qui oscille entre un registre politique et un registre plus technocratique selon le contexte et l’interlocuteur.

 


Une présidentialisation croissante de la Commission

 

Au-delà de cette tension entre logiques nationale et partisane, une troisième logique est à l’œuvre : la présidentialisation. Les réformes successives des traités depuis les années 1990 ont en effet transformé le rôle de la présidence, qui jouit désormais d’une véritable autorité sur le collège et s’affirme comme une sorte de Premier ministre, capable d’imposer sa ligne politique. La composition et l’organisation de la Commission von der Leyen II révèlent parfaitement cette évolution vers plus de verticalité. D’abord, les fortes têtes ont été écartées : tous les commissaires qui s’étaient peu ou prou opposés à la présidente depuis 2019, et avaient revendiqué leur autonomie ou rappelé le caractère collégial de l’institution, ne sont plus là. On cherche en vain les personnalités fortes parmi les 26 candidats-commissaires. Ensuite, la nouvelle organisation est pensée autour de 6 vice-présidentes exécutives, et non plus 3, et supprime le fonctionnement en « silos » : concrètement, plus aucun commissaire, y compris les vice-présidents exécutifs, ne contrôle un dossier donné. La décision collective s’impose, ce qui revient à donner un droit de dernier mot à la Présidente, qui a aussi la charge de questions-clés telles que le budget.

 



Les réponses des 26 candidats-commissaires aux questions écrites des députés publiées le 22 octobre 2024 par le PE attestent de l’autorité renforcée de la Présidente. Elles sont longues (plus de 400 pages au total) et verbeuses, et semblent destinées à n’offenser personne au PE et à ne pas contredire la ligne politique de la Présidente. Depuis que le PE procède à des auditions, les candidats-commissaires peuvent bénéficier de l’appui des services de la Commission pour s’y préparer. Ceux qui en ont fait l’économie l’ont souvent regretté, face à des députés souvent pugnaces. Désormais, les agents de la Commission surveillent le processus de près et jouent un rôle presque étouffant. C’est tout particulièrement le cas du Secrétariat général – le service de la Commission placé sous l’autorité directe de la Présidente qui assure une fonction de coordination des différentes Directions générales. Il aide les candidats à acquérir les connaissances nécessaires et les entraîne à ne contrarier personne. Ce travail de lissage est particulièrement visible dans les réponses écrites qui, par exemple, éludent soigneusement les enjeux budgétaires. Ainsi, aucun candidat ne propose d’avoir recours à des emprunts pour soutenir la politique industrielle, d’innovation ou de défense, comme le recommande pourtant le rapport Draghi.

 

Des candidats-commissaires excessivement prudents ?

 

Les candidats sont fortement incités à suivre les conseils du Secrétariat général, car les précédents fâcheux sont légion. Le PE a en effet toujours contesté certaines nominations, parce que des candidats n’avaient pas une maîtrise suffisante de leur portefeuille, avaient dérapé pendant leur audition ou avaient été rattrapés par quelque scandale. Parfois les députés ont eu la main lourde en raison de règlements de comptes politiques ; ainsi, en 2019, la candidate française libérale Sylvie Goulard s’est faite étriller car sa famille politique s’était opposée à des candidats socialiste et démocrate-chrétien au stade de l’examen des conflits d’intérêts ; les élus de ces deux groupes se sont donc fait un plaisir d’écarter la candidate des libéraux. Les députés sont aussi poussés à la sévérité car ils tiennent à obtenir des aménagements du collège des commissaires à chaque investiture, qu’ils soient réellement indispensables ou non. Cette affirmation d’une lecture « parlementariste » de la procédure requiert en quelque sorte des boucs émissaires.

 


Cette année, plus que jamais, les candidats-commissaires redoutent les foudres des partis adverses et soignent leur profil. Chacun craint que l’intransigeance de telle ou telle famille politique à l’égard du candidat d’une autre ne déclenche des mesures de rétorsion en cascade. Ce climat prive l’exercice des auditions de l’essentiel de son intérêt : aucun candidat ne va prendre le risque d’avancer des propositions originales ou des points de vue tranchés qui pourraient attiser les tensions entre les groupes politiques ou déplaire à la Présidente. Dans le passé, lorsque l’exercice était moins cadenassé par les services de la Commission, il était intéressant. Il a parfois permis à d’obscurs candidats de faire émerger des idées ou des projets, et de surprendre les parlementaires par leur tempérament et leur maîtrise des dossiers. A un moment où il conviendrait que l’Union fasse preuve d’ambition, les auditions risquent fort de se limiter à un concours de récitation de tièdes éléments préparés par les administrateurs de la Commission et validés par le cabinet de la Présidente.


Olivier Costa


Post repris par la revue numérique Telos (4 novembre 2024)

Dernière mise à jour : 15 oct.

Alors que le gouvernement Barnier cherche à réduire les dépenses publiques par tous les moyens, et que beaucoup de parlementaires stigmatisent le grave dérapage des dépenses publiques en 2024, on apprend que les budgets de l’Assemblée nationale et du Sénat sont prévus en hausse. Comment expliquer cette décision ? Et que faut-il penser du train de vie de nos parlementaires ?

 


L'Assemblée nationale



Le budget des institutions françaises en hausse

 

Une règle, qui s’applique dans la plupart des démocraties libérales, veut que les pouvoirs exécutif et législatif n’interviennent pas dans leurs budgets de fonctionnement respectifs. Ce pacte de non-agression a une logique : il serait problématique que le gouvernement rogne le budget des assemblées ou que celles-ci réduisent celui du gouvernement ou de la présidence. Ainsi, au nom de la séparation des pouvoirs, les assemblées définissent leur budget en prenant en compte l’inflation et d’éventuels besoins exceptionnels (travaux de rénovation importants, etc.), et le gouvernement reporte ce montant dans le projet de loi de finances.

 

Le projet 2025 prévoit ainsi des hausses pour les budgets de toutes les institutions de la République : pour l’Elysée, il s’établit à 125 millions d’Euros, en hausse de 2,5% (3 millions) ; pour l’Assemblée nationale, c’est 617 millions, en hausse de 1,7% (10 millions) ; et pour le Sénat, 359 millions, en hausse également de 1,7% (6 millions). L’opinion publique s’est émue de ces chiffres, qui font tache alors que le gouvernement Barnier se démène pour limiter le déficit. Du côté de l’Elysée, on fait valoir que la hausse est 4 fois moindre que celle de l’an passé, ce qui ne consolera personne. Du côté des chambres, on argue que la hausse reflète uniquement l’inflation et l’augmentation du traitement des agents. A l’Assemblée nationale, on souligne aussi le coût non-financé de la dissolution, qui n’est pas une décision de l’institution ; il s’agit de 28,5 millions d’Euros, qui correspondent notamment aux indemnités dues aux collaborateurs d’élus licenciés à cette occasion. Cela dit, les ministères qui voient leur budget réduit sont eux aussi confrontés à l’inflation, et vont devoir faire des coupes claires et sombres dans leurs dépenses. Ce manque de solidarité institutionnelle est donc difficile à justifier.

 


La bibliothèque de l'Assemblée nationale



Les parlementaires sont-ils trop payés ?

 

Comme à chaque fois qu’il est question du budget des institutions françaises, les commentaires ont fleuri sur les réseaux sociaux et dans les médias pour mettre en cause le train de vie des parlementaires, qui semblent à l’abri des problématiques que rencontrent nombre de citoyens. Certains font valoir qu’il revient aux élus, qui ont voté depuis des décennies des budgets en déficit, de faire à présent les efforts nécessaires à la limitation de la dette du pays. Cette question émerge aussi à chaque crise sociale, et avait notamment suscité un fort débat à l’époque du mouvement des Gilets jaunes.

 

Une fois encore, l’opinion publique et ses relais font valoir que les gens qui nous gouvernent pourraient, par solidarité et exemplarité, faire des efforts, voire consentir à une nette réduction de leurs émoluments. L’idée est alimentée par les fantasmes qui entourent le niveau de rémunération de nos responsables politiques. On entend ainsi souvent dire des parlementaires qu’ils gagneraient « 20.000 Euros par mois », en sus de multiples avantages en nature et passe-droits. Mais quelle est la réalité ?

 

Un député français gagne environ 6.000 Euros net par mois, et paie ses impôts comme tout le monde. Il dispose aussi d’un budget pour couvrir ses frais de mandat (location d’un bureau, d’une voiture, frais de réception…) d’environ 6.000 Euros par mois. Il dispose enfin d’une enveloppe de 11.000 Euros par mois pour rémunérer des collaborateurs ; elle lui permet d’employer en moyenne 3 personnes, à l’Assemblée ou en circonscription.

 

Longtemps, ces diverses sommes venaient alimenter le train de vie des parlementaires les moins scrupuleux : l’indemnité pour frais de mandat finançait leurs dépenses courantes ou était utilisée pour acheter une permanence électorale dont ils devenaient propriétaires en fin de mandat. Ils pouvaient aussi employer des proches (conjoint, enfants), qui n’étaient pas toujours très investis dans leurs fonctions. Enfin, la plupart cumulaient les mandats (maire, président de Conseil régional ou départemental…) et les indemnités.

 

Mais ce temps est révolu. Désormais, les parlementaires doivent produire des justificatifs pour toutes les dépenses couvertes par leur indemnité de frais de mandat. Ils ne peuvent plus employer de proches. Enfin, les possibilités de cumul des mandats ont été restreintes (plus de cumul avec un mandat exécutif) et les indemnités sont « écrêtées » (limite de 3.000 Euros par mois en sus de l’indemnité parlementaire). Les députés disposent toujours d’avantages en nature (facilités de transport, logement à Paris s’ils n’y résident pas, matériel informatique…), mais ils sont liés à l’exercice de leur mandat.

 

Il faut aussi rappeler que certains responsables politiques ont fait des sacrifices financiers. François Hollande, après son élection à l’Elysée en 2012, avait décidé de réduire d'un tiers sa propre indemnité et celle de tous les ministres ; on lui en fait rarement crédit. Ces dernières années, de nombreuses collectivités (régions, départements, communes…) ont également décidé de réduire les indemnités de leurs élus en-deçà de ce que permet la loi.


Par ailleurs, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) exerce depuis plus de dix ans un contrôle étroit sur les principaux responsables politiques, qui limite fortement les dérives du passé. Des organisations de la société civile, telles que l’Observatoire de l’éthique publique* et diverses ONG, consacrent également beaucoup d’énergie à traquer les abus des élus et à proposer des réformes pour garantir plus de probité et de transparence. Il est donc faux de considérer que les parlementaires français accumulent toujours plus d’avantages et de revenus. C’est l’inverse. Etienne Ollion et Eric Buge l’ont clairement démontré dans une remarquable étude : ils ont analysé le revenu « réel » des parlementaires depuis 1914, et ont établi qu’il a longtemps cru, puis nettement et constamment baissé depuis le début des années 2000.



Le revenu effectif des parlementaires français à travers le temps

La courbe orange représente les revenus effectifs annuels des parlementaires français. La courbe du bas ("Médiane") représente l'évolution du revenu médian en France. Les autres courbes correspondent aux groupes de la population les mieux rémunérés. Par exemple "p. 97-98" (en gris foncé) réunit les 1% de citoyens qui ont des revenus supérieurs à 97% de la population mais inférieurs aux 2% qui gagnent le plus. Les parlementaires appartiennent aujourd'hui à cette tranche. (source: E. Ollion et E. Buge)

 


6.000 Euros mensuel, c’est beaucoup ?

 

Il y a toujours eu peu de transparence sur les revenus en France, car ce n’est pas dans la culture nationale. On ne parle pas d'argent et rares sont ceux qui se vantent de leur réussite financière. Au contraire, des commerçants, entrepreneurs ou professions libérales affirment souvent se payer au Smic – en oubliant d’indiquer que toutes leurs dépenses courantes sont prises en charge par leur société et qu’ils bénéficient d’autres revenus qui échappent à l’attention du fisc… Les salaires indiqués par les sites spécialisés dans les questions d'emploi sont souvent fantaisistes, car basés sur des déclarations non contrôlées. Les mêmes rémunérations sont exprimées en brut ou en net, avec ou sans les primes et les avantages, et passent du simple au double. Savoir combien gagne en moyenne un médecin, un boulanger, un contrôleur aérien ou un ambassadeur n’est donc pas chose aisée.

 

Quoi qu’il en soit, les 6.000 Euros net des députés représentent un joli salaire : ils font partie des 3% des Français les mieux rémunérés. Il faut toutefois opérer des comparaisons. C’est beaucoup rapporté au salaire moyen (2.630 Euros net) et médian (1.850 Euros net) en France. Rappelons que le salaire moyen est la moyenne de l'ensemble des salaires de la population française ; elle est assez haute car elle inclut les revenus très élevés que touche une petite minorité. Le salaire médian est plus bas, car il représente le niveau de rémunération qui divise la population en deux groupes égaux : ceux qui gagnent moins que cela, et les autres. L’indemnité des députés français s’établit donc à 2,3 fois le salaire moyen. A cet égard, la France est dans la fourchette basse des démocraties libérales. Ce facteur est en effet de 5,3 en Italie, où les parlementaires sont particulièrement bien rémunérés, de 3,5 dans les pays d’Europe Centrale et orientale, et de 1,2 seulement en Espagne – où la plupart des députés bénéficient toutefois d’importantes exonérations de taxes.

 


Population active (milliers) pour chaque tranche de revenus bruts en France (2023, INSEE)


Le niveau de rémunération des députés correspond à celui des cadres supérieurs des grandes entreprises ou de certaines administrations. Les députés ont un revenu similaire à celui des agents titulaires de l’Assemblée nationale qu’ils côtoient tous les jours (6.650 net en moyenne). Et ils sont considérablement moins bien payés que d’autres catégories de la population. La rémunération des footballeurs de ligue 1 – dont le nombre est comparable à celui des députés – tourne ainsi autour de 100.000 Euros mensuels net, avec d’importantes variations d’un club à l’autre. Même un joueur de ligue 2 gagne deux fois plus qu’un député français (13.000 net en moyenne). On ne parlera pas ici des patrons des entreprises du CAC 40, dont le revenu mensuel moyen est de plus de 400.000 Euros net.

 

 

La démocratie a un coût…

 

Certains font aussi valoir que le fonctionnement des institutions françaises représente une charge considérable pour les contribuables. Elle est certes importante, mais elle n’est pas centrale dans les dépenses de l’Etat : les budgets cumulés des deux chambres et de l’Elysée représentent environ 1 milliard d’Euros – à rapporter aux 600 milliards du budget de l’Etat (hors collectivités territoriales et Sécurité sociale), aux 167 milliards de déficit public en 2024, ou encore aux 3.000 milliards de dette du pays. Des économies sont toujours possibles, et souhaitables par principe, mais ce n’est pas là que la réduction du déficit va s’opérer massivement. En outre, l’histoire nous a appris que, lorsque l’on réduit le budget des parlementaires, c’est souvent pour porter atteinte à la démocratie. Si le parlement n’a plus les moyens de travailler efficacement, de contrôler le gouvernement et l’administration, de leur réclamer des comptes, d’enquêter sur leurs actions, de s'appuyer sur une administration compétente et dévouée, la tâche des gouvernants s’en trouve facilitée, et c’est rarement pour le bénéfice de la population.

 

Au Palais du Luxembourg


La démocratie a un coût. En France, le fonctionnement des institutions de la République (exécutif et législatif) revient à 15 Euros par citoyen et par an. Mais si l’on s’interroge sur le coût de la démocratie, il faut aussi le faire sur celui de l’absence de démocratie. L’étude des dictatures a depuis longtemps établi que ce type de régime n’est pas très favorable à la prospérité de la population et à la justice sociale, et qu’il aboutit au contraire à une captation des ressources du pays par une élite très restreinte.

 

 

Une polémique inutile qui profitera aux populistes

 

Il est malheureux que personne à l’Assemblée nationale et au Sénat n’ait considéré que, compte tenu de caractère historique de la crise budgétaire du pays, de l’effort massif qui va être demandé aux services de l’Etat, aux collectivités, aux entreprises, aux fonctionnaires, aux retraités et aux contribuables les plus aisés, il aurait été judicieux de ne pas réclamer un réajustement de la dotation budgétaire du Parlement. Il n’est pas trop tard pour faire machine arrière. Les chambres ont des réserves pour faire face à face à cette contrainte ; au Sénat, elles atteignent quasiment 2 milliards d’Euros. Les parlementaires pourraient aussi réduire certains aspects de leur train de vie ; dans d’autres pays, la vie quotidienne des élus est beaucoup plus frugale, et ils s’en accommodent.


(Mise à jour: face à la polémique, l’Élysée, l’Assemblée nationale et le Sénat ont annoncé, mardi 15 octobre 2024, qu’ils ne demanderont pas d'augmentation de leur dotation).


Gérard Larcher, Président du Sénat


Longtemps, les Français ont été fiers que des palais somptueux abritent les institutions de la République, que nos responsables politiques célèbrent un art de vivre à la française, fait d'ors et de moulures, de mets raffinés et de grands vins, de meubles précieux et de toiles de maîtres, et du ballet des huissiers et des berlines sombres. C'était une sorte de revanche du peuple sur l'Ancien Régime et une façon de célébrer le prestige français. Mais les temps ont changé, et cette fierté se mue peu à peu en agacement, en incompréhension, voire en colère, face à des élus qui évoluent dans un univers privilégié, apparemment déconnecté de la marche du monde et des affres de l'époque. Il est grand temps qu'ils se préoccupent un peu plus énergiquement de restaurer la confiance des citoyens dans les institutions de la République, en commençant par montrer l'exemple quand il s'agit de réduire le train de vie de l'Etat.


Olivier Costa

olivier.costa@cnrs.fr * Je suis membre de l'Observatoire de l'Ethique Publique

Photo du rédacteurOlivier Costa

A la surprise générale, Mme von der Leyen avait fait du « Green Deal », le Pacte vert, la priorité de son premier mandat (2019-2024), afin de rallier les écologistes et les socialistes à son action. Mais le vent a tourné : toutes les institutions européennes penchent désormais plus à droite, et de nombreuses voix se font entendre pour limiter l’impact économique des mesures environnementales et remettre la compétitivité au centre des priorités de l'Union. C’est notamment le sens du rapport Draghi. Quel sera le destin du Green Deal dans les prochaines années ?




Le Green Deal, enfant du tournant politique de 2019

 

Les élections européennes de 2019 avaient été marquées par une intégration de la thématique environnementale dans les programmes de tous les partis – à l’exception de l’extrême-droite – et par un succès historique des écologistes. Ursula von der Leyen, pour recueillir leur soutien et celui des socialistes, avait placé le Green Deal (Pacte Vert) au centre de son programme pour la législature 2019-2024. Il comportait un vaste ensemble d’initiatives destinées à réorienter l’économie européenne selon les nécessités de la protection de l’environnement, et tout particulièrement de la décarbonation. L’idée était d’agir tous azimuts – et non pas seulement dans le domaine de la politique environnementale – pour permettre à l’Union de remplir les objectifs des Accords de Paris. Près d’une centaine de directives et de règlements relatifs au Green Deal ont été adoptés entre 2019 et 2024, en ce compris des textes ambitieux : taxonomie européenne, SFDR (caractéristiques environnementales ou sociales des investissements), marché du carbone et taxe carbone aux frontières, fin programmée des moteurs thermiques, soutien aux énergies renouvelables, CSRD (reporting extra-financier), CS3D (impacts négatifs des activités des grandes entreprises sur les droits de l’homme et l’environnement)

 

La Commission entendait transformer l’économie européenne en partant du principe que la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE) et les logiques du marché ne suffiraient pas à le faire. Le Green Deal n’ignorait pas pour autant les enjeux de la compétitivité, et il entendait préparer l’économie européenne à un monde où les règles du jeu évoluent rapidement, sous l’effet de multiples facteurs : changement climatique, épuisement des ressources naturelles, nouvelles attentes des consommateurs, progrès technologique, évolutions de la situation géopolitique…

 

 

En 2024, un paysage politique beaucoup plus marqué à droite

 

Les élections de 2024 n’ont pas confirmé les tendances observées en 2019. Les écologistes sont en net recul et, surtout, l’extrême-droite et une partie de la droite de gouvernement ont fait ouvertement campagne contre ces derniers. Aux côtés des immigrés, les écologistes sont désormais dénoncés par les partis les plus droitiers comme la cause de tous les maux dont souffrirait l’Europe. Pendant la campagne, les leaders nationalistes et conservateurs les ont dépeints comme des extrémistes, voulant imposer leurs valeurs "post-modernes" à l’ensemble de la société et prônant la décroissance et la désindustrialisation. Une partie de la droite de gouvernement, qui siège au sein du groupe du Parti populaire européen (PPE), les a imités en dénonçant les outrances du « wokisme » et de l’écologie « punitive ». Ce discours cache mal un clientélisme plus ou moins assumé vis-à-vis des secteurs de l’économie les plus exposés aux nouvelles normes environnementales (industrie lourde, automobile, agriculture) et à l’objectif de réduction des émissions de carbone. Le PPE, qui reste la première formation politique au Parlement européen (PE), veut tempérer les ardeurs de la Commission sur ces sujets. Pour cela, certains de ses responsables n’excluent pas de faire ponctuellement alliance avec les groupes d’extrême-droite.



 

Cette évolution se retrouve à la Commission. Mme von der Leyen a été beaucoup critiquée par sa propre famille politique, notamment en Allemagne, durant la fin de son premier mandat. L’importance accordée au Green Deal a été jugée préjudiciable à la compétitivité économique de l’Union. En 2024, le PPE a fait campagne en prenant clairement ses distances avec le Green Deal, et la Mme von der Leyen a dû tempérer son discours pour obtenir une seconde investiture de la part des 27. Au sein de la nouvelle Commission, le PPE est désormais présent en force. Avec 15 sièges sur 27, dont la présidence, il pourra imposer ses vues au Collège, qui se prononce en principe à la majorité des voix exprimées. Et, pour la première fois, la Commission comporte un membre majeur venant d’un parti eurosceptique, puisque Raffaele Fitto, issu du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, est pressenti à un poste de vice-président exécutif.



La Commission von der Leyen II (2024-2029)

 


On note également des évolutions du côté du Conseil – où siègent les ministres des 27 – et du Conseil européen – qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement. Ces instances penchent, elles aussi, de plus en plus à droite et comportent un nombre croissant de représentants ouvertement eurosceptiques, qui ne cachent pas leur réticences vis-à-vis du Green Deal.

 

 

Peut-on revenir sur le Green Deal ?

 

Certains font valoir que les institutions européennes ne pourront pas toucher aux acquis du Green Deal, notamment à des mesures aussi emblématiques que la fin des moteurs thermiques en 2035. Rien n’est moins sûr. Jean-Louis de Lolme avait écrit, au sujet du Parlement anglais, il "peut tout faire sauf changer une femme en homme." L’observation vaut aussi pour les institutions de l’Union ; ce que les unes ont fait, les autres peuvent le défaire. C’est une question de souveraineté et de démocratie : les élus d’une génération ne sauraient être engagés par les décisions de leur prédécesseurs, tout particulièrement quand les équilibres politiques ou les circonstances ont changé. En outre, les textes européens ne sont pas gravés dans le marbre : la plupart d’entre eux prévoient des réévaluations périodiques, voire des clauses de « rendez-vous » destinées à les réviser en fonction des évolutions politiques, économiques et sociales.

 


Présentation du Pacte Vert (2019)



Même du côté de la Commission, on ne se sent pas engagé par les décisions passées, comme peut l’être une administration. Cette pratique est établie depuis l’arrivée de Jean-Claude Juncker à la tête du collège en 2014. Il avait en effet demandé aux candidats commissaires de passer en revue toutes les propositions pendantes pour décider de poursuivre ou non leur adoption, selon un principe de « discontinuité politique » (lettre à Frans Timmermans, 10 septembre 2014). En somme, la Commission Juncker ne s’estimait pas tenue par les propositions de la Commission Barroso II, car son orientation politique n’était plus la même. Cela impliquait, en creux, la possibilité de revenir sur certaines décisions. Le nouveau PE et la nouvelle Commission sont donc parfaitement en droit de rétropédaler sur les ambitions climatiques affichées en 2019.

 

Certains responsables politiques se montrent aussi particulièrement virulents à l’égard du Green Deal. Le 18 septembre 2024, la Présidente du Conseil italienne Giorgia Meloni a dénoncé son caractère idéologique et mis en garde contre le risque de désindustrialisation qu’il engendre. A l’appui de son propos, elle a cité le rapport sur la compétitivité européenne récemment remis à la Commission par Mario Draghi, l’ancien président de la Banque centrale européenne. Mme Meloni est d’avis que les objectifs ambitieux du Green Deal ne sont atteignables qu’avec des investissements européens massifs – sauf à nuire à la compétitivité et à la croissance. A défaut, elle entend qu’il soit remis en cause.

 

Ce tournant ne date pas des élections. Dès 2023, il était manifeste que le désir de la Commission, d’une partie des députés européens et d’un nombre croissant d’Etats membres de mener à bien le Green Deal commençait à s’éroder, en raison des coûts engendrés par les mesures déjà adoptées pour l’industrie, les agriculteurs et les consommateurs. Ce recul est mesurable, et le rapport de suivi de l’Agence européenne pour l’environnement (décembre 2023) se montre très dubitatif quant à la capacité de l’Union à tenir ses objectifs climatiques.




 

Le rapport Draghi est un nouvel obstacle potentiel à la poursuite du Green Deal. Il ne porte pas directement sur le sujet, mais interroge sur sa place dans la stratégie de l’Union. Les réactions des parlementaires européens au rapport montrent qu’une évolution se dessine. Ainsi, les députés libéraux (groupe Renew) et démocrate-chrétiens (PPE) se sont bruyamment réjouis du retour de la notion de « compétitivité » pour orienter l’action globale de l’Union. Du côté des socialistes (S&D) et des écologistes (Verts-ALE), on déplore que le rapport n’évoque pas les aspects non-économiques du Green Deal. Il se focalise en effet sur la décarbonation, qui doit guider les transformations de l’économie européenne, et fait abstraction des autres enjeux : biodiversité, santé humaine, protection des milieux naturels… Dans une logique libérale, Mario Draghi est aussi très critique à l’endroit du trop grand nombre de normes européennes et plaide pour une stratégie de dérégulation.

 

 

Le Green Deal menacé ?

 

Malgré les multiples évolutions qui affectent le microcosme européen, le Green Deal figure toujours parmi les priorités politiques de Mme von der Leyen pour les cinq années à venir. Il convient aussi de nuancer l’impact des changements politiques récents. Au PE, l’extrême-droite a progressé, mais moins que prévu ; la nouvelle assemblée ne compte pas moins de 3 groupes politiques à la droite du PPE, qui semblent peu capables ou désireux de définir une stratégie commune. De fait, les forces politiques qui dominent le PE sont toujours les mêmes : démocrates-chrétiens, socialistes et libéraux. Du côté de la Commission, la Présidente rempile, et aura sans doute à cœur de ne pas se déjuger. Enfin, au Conseil européen, un consensus existe pour considérer que le dérèglement climatique est un fait et la décarbonation de l’économie une priorité. Dans le secteur de l'énergie, des progrès substantiels ont été réalisés, avec un soutien unanime des Etats membres, et nul ne les conteste. Vladimir Poutine, en envahissant l’Ukraine, y a largement contribué, permettant à l’Union de définir une position claire sur la question du gaz russe qui divisait les Etats membres.


Mais d’autres sujets sont plus controversés. Il en va ainsi du bannissement des pesticides – dont il n’est plus question. De même, le texte sur la restauration de la nature fait toujours l’objet de vives discussions. Il est aussi probable que certains Etats membres traînent les pieds pour mettre en œuvre les mesures sur le terrain. Enfin, la question budgétaire demeure centrale : l’Union ne pourra tenir ses objectifs climatiques que si le futur Cadre financier pluriannuel (CFP), qui déterminera les grandes orientation budgétaires pour la période 2027-2033, donne davantage de place au Green Deal. La Commission von der Leyen 2 n’est pas encore en fonction, mais déjà on évoque des reculs ponctuels du Green Deal.

 

C’est le cas du règlement qui vise à limiter la déforestation en dehors de l’Union. Adopté en décembre 2022, il oblige les fournisseurs de certains produits (huile de palme, bois, café, bœuf…) à prouver que leur production n’entraîne pas de déboisement ni de perte d’accès. L’Allemagne, qui avait soutenu initialement le texte, a fait machine arrière, au nom de la nécessité pour les entreprises de s’adapter. D’autres Etats membres ont demandé des modification plus substantielles. Les députés du PPE ont fait valoir que les secteurs concernés n’avaient pas eu le temps d’anticiper ce changement de cadre législatif, et que la Commission avait trop tardé à publier les textes d’application pour qu’une entrée en vigueur soit possible en décembre 2024. Sous la pression, la Commission a reporté sa mise en œuvre. La décision a été très critiquée par les mouvements écologistes et les députés Verts, qui estiment que le retard pris par la Commission et les entreprises était un acte de sabotage du texte.

 

Il existe aussi une forte mobilisation pour remettre en cause ou repousser l’interdiction des moteurs thermiques en 2035. Les industriels de l’automobile sont particulièrement inquiets de la concurrence des véhicules électriques chinois, et sont soutenus par le PPE. La perspective de l’arrivée au pouvoir de la CDU (PPE) en Allemagne l’an prochain laisse penser que le Conseil européen remettra la question à l’agenda. Pour l’heure, la Commission essaie de limiter les effets de la concurrence chinoise, dopée par des subventions publiques massives, en introduisant une taxe à l’importation de ses véhicules électriques. Mais, là encore, les Etats membres sont divisés, certains craignant des mesures de rétorsion des autorités chinoises. En tout cas, le débat est rouvert, et certains industriels européens réinvestissent massivement dans la conception de moteurs thermiques, en faisant le pari que l’interdiction sera remise en question.

 

 

Quelle place pour le Green Deal dans la nouvelle Commission ?

 

Le Green Deal ne disparaît pas des priorités de Mme von der Leyen, mais il n’est plus au sommet de son agenda. Ainsi, le programme qu’elle a présenté avant son audition par le PE au mois de juillet ne donnait pas la même importance aux questions environnementales et climatiques qu’en 2019. Et les priorités annoncées par la Présidente aux candidats commissaires font la part belle à la compétitivité et à la politique industrielle. L’articulation entre les responsabilités des différents commissaires en charge du Green Deal est confuse, et on ne saisit pas la place donnée à la protection de la nature – en marge des réflexions sur l’économie et la limitation de l’impact du dérèglement climatique sur les activités humaines.

 

Pour Ursula von der Leyen, c’est la quadrature du cercle : sauver le Green Deal pour garder la confiance des écologistes et des socialistes, tout en ménageant le PPE et les Etats membres les plus soucieux de la compétitivité de l’Union. Pour cela, elle entend lier les questions environnementales, sociales et économiques. Ainsi, la Première vice-présidente exécutive, Teresa Ribera (Espagne), a le portefeuille de « la Transition propre, juste et compétitive » et celui de la concurrence. Elle supervisera notamment le travail du commissaire Wopke Hoekstra (Pays-Bas) en charge du « climat, de la neutralité carbone et de la croissance propre ». L’idée, qui rejoint les réflexions de M. Draghi, est que l’industrialisation n’est pas incompatible avec la protection du climat et de la nature. La rhétorique de la « croissance verte » n’est pas nouvelle à Bruxelles, mais elle devra tôt ou tard être confrontée à la réalité et des arbitrages difficiles devront être opérés. Compte tenu des équilibres politiques actuels, la protection de l’environnement ne sera sans doute pas prioritaire.


Olivier Costa

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