La V° République rend fou
- Olivier Costa
- il y a 1 heure
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Avec la démission de Sébastien Lecornu moins de 24 heures après l’annonce de la composition de son gouvernement, l’heure est grave. Pourtant, Emmanuel Macron fait comme si tout était normal, comme s’il n’avait jamais failli et comme s’il n’avait pas été réélu par défaut. A sa demande, le Premier ministre démissionnaire persiste à tenter de discuter avec des gens qui ne veulent pas lui parler. Le NFP se réunit sans les socialistes et les communistes, et continue d'analyser les résultats des législatives comme un appel désespéré du peuple à un règne des Insoumis. Le PS et le PCF, désormais isolés, réclament un gouvernement de cohabitation, forts de leurs 83 sièges à l'Assemblée. Chez Les Républicains, les durs exigent la même chose, au nom d’une fraction de leurs 47 députés. Le RN boit du petit lait, refuse de rencontrer Lecornu et réclame une nouvelle dissolution, espérant doubler le nombre de ses députés.
Le majorité des électeurs, ceux qui n’ouvrent jamais un journal et ne s’informent que sur CNews, RMC et les réseaux sociaux, se préoccupent peu de comprendre pourquoi il est si difficile de trouver un gouvernement et une majorité. Les subtilités de la Constitution de 1958, de la culture politique française et des stratégies politiques et inimitiés personnelles des uns et des autres ne les intéressent pas. Ils refusent d’écouter ces leaders qui, plus d’un an après les législatives, en sont encore à nous expliquer, l’un après l’autre avec le même air habité, qu’ils sont tous les grands vainqueurs du scrutin et que seul leur programme doit s'appliquer.
Ces citoyens ne retiennent qu’une chose de cette séquence pathétique : les partis traditionnels sont incapables de gouverner le pays, et il faut désormais s’en remettre à un leader fort, évidemment issu du RN. Il est clair qu’avec des Trump, Poutine et Orban, les controverses politiques et les pesanteurs du pluralisme ne constituent pas des problèmes durables. Si, à mon sens, ces électeurs se trompent quant au remède, leur irritation est légitime : l’attitude des principaux responsables politiques français, ces candidats putatifs aux présidentielles qui ont pris en otage les partis français depuis les années 1960, est indigne. Alors que le pays est au bord du chaos – politique, financier, économique et social – ils se focalisent sur leurs microscopiques calculs électoraux, leurs promesses intenables et leurs problèmes d'égo.
J’ai toujours considéré que la Cinquième République, qui fait de la conquête de l’Élysée la finalité de tout engagement, engendrait une classe politique nationale intrinsèquement toxique, car animée d’un délire bonapartiste, maoïste ou christique, sourde à l’intérêt général et incapable de douter de la justesse de ses idées et de son action. Nos institutions conduisent aussi à réduire au silence celles et ceux qui se soucient davantage du sort du pays que de leur destin personnel, et se rendent coupables de modération, de modestie et de prudence. La Cinquième République, c’est le régime où les Pierre Mendès-France et les Robert Boulin se font piétiner par les François Mitterrand et les Jacques Chirac. En politique – comme dans bien d'autres milieux – la prime va aux hypocrites, aux manipulateurs, aux tribuns, aux impitoyables. Seuls celles et ceux qui ont un égo hypertrophié peuvent croire en leur destin présidentiel et être mus par l’idée que la fin justifie toujours les moyens.
La crise actuelle le démontre plus qu’il n’est nécessaire. Mais on voit mal les principaux responsables politiques français, dont les nuits sont peuplées de fantasmes élyséens, scier la branche sur laquelle ils rêvent de pouvoir se jucher.
Olivier Costa

Crédits: Assemblée nationale
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