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Vers la chute de Donald Trump?


Donald Trump, en 2017, par Gage Skidmore. Licence Creative Commons 2.0.
Donald Trump, en 2017, par Gage Skidmore. Licence Creative Commons 2.0.

 

L’effondrement de la cote de popularité de Donald Trump et les victoires inattendues des démocrates à diverses élections partielles attestent de la résilience des systèmes démocratiques. Ils souffrent structurellement des attaques et des manœuvres des leaders populistes, qui entendent conserver le pouvoir à tout prix, mais, dans les pays où elle est anciennement établie, la démocratie est robuste. En effet, les mouvements d’opinion sont par nature volatiles. Même si les dynamiques collectives semblent irrésistibles et si elles poussent les modérés et les divergents à la discrétion, chacun est libre d’exprimer le fond de sa pensée et de remettre en cause ses choix passés dans le secret de l’isoloir ou face à un sondeur. Assiste-t-on au début de la fin du trumpisme ?

 

Le rouleau-compresseur Trump

 

Donald Trump a pris tous les analystes au dépourvu. Ceux qui expliquaient doctement en 2016 qu’un candidat aussi fantasque et outrancier n’avait aucune chance de l’emporter. Ceux qui considéraient en 2024 que les électeurs américains ne feraient pas deux fois la même erreur. Le fait est que Trump, malgré des handicaps a priori insurmontables, gagne car il bouscule tous les fondamentaux de la vie démocratique et fait feu de tout bois. Il profère sans ciller des mensonges éhontés et use des attaques les plus viles, achète le soutien des médias et des réseaux sociaux, impose le primat des émotions et des croyances sur la raison et les faits, organise le rejet de la science et de l’expertise au nom du bon sens populaire ou de la religion, cultive l’abrutissement des foules, s’adresse aux moins éduqués avec des raisonnements binaires et un lexique enfantin, s’appuie sur une internationale réactionnaire en plein essor et ne dédaigne pas l’appui des services secrets de puissances étrangères. Face à ces méthodes, ses adversaires sont désarmés.

 

La manière dont Trump fait de la politique a tétanisé les démocrates, qui ne savent plus quelle stratégie adopter. Ils sont profondément divisés entre des centristes obnubilés par la sauvegarde de leurs sièges, incapables de présenter un projet alternatif pour leur pays, et des radicaux, qui ont remobilisé l’électorat progressiste dans les grandes villes mais effraient l’Américain moyen en parlant de socialisme, de justice fiscale et de lutte contre les discriminations.

 

Les divisions du mouvement MAGA

 

Mais voilà, les discours, les manipulations et les infox du camp républicain se heurtent désormais aux réalités économiques et sociales, aux scandales répétés, aux outrances du Président et de ses amis techno-milliardaires et influenceurs illuminés, à la dégradation de l’image du pays à l’échelle internationale, aux effets des coupes budgétaires et du shut-down et au refus de Trump de mettre en pratique l’isolationnisme qu’il promettait.

 

Avec les électeurs MAGA les plus exaltés, Trump pourra continuer sa fuite en avant, comme il le fait au sujet du dossier Epstein. Après avoir successivement exigé sa publication, considéré qu’il était sans intérêt et refusé sa communication, il prétend désormais que c’est un complot ourdi par l’administration Obama, pour le cas où il ne parviendrait pas à en empêcher la publication. Car, dans sa logique, si le dossier l’implique, c’est nécessairement un faux forgé par les démocrates.

 

Mais Trump a épuisé la patience et la crédulité de deux catégories d’électeurs.

 

D’abord, les plus radicaux, qui commencent à se retourner contre lui, à dénoncer sa modération et à critiquer ses contradictions. De nombreux dossiers suscitent de profondes divisions : affaire Epstein, rôle des tycoons de la tech, politique de visas pour les travailleurs à haute compétence, positions louvoyantes de Trump sur la liberté d’expression, signes alarmants de corruption dans son entourage... Les isolationnistes lui reprochent son soutien à Israël, l’implication des Etats-Unis en Iran, l’idée d’une intervention au Venezuela, l’aide promise à l’Argentine. Des piliers du mouvement MAGA comme Tucker Carlson, présentateur-star de Fox News et promoteur de la théorie du « grand remplacement », Marjorie Taylor Greene, ex-avocate de Trump et représentante de la Géorgie au Congrès, Mike Cernovich, star du réseau social X, et Ben Shapiro, journaliste conservateur, ont pris leurs distances avec Trump. Celui-ci, qui a largement contribué à banaliser l’outrance et le complotisme en politique et à dynamiter les règles de la modération et de la bienséance, est désormais la victime d’attaques d’une grande violence.

Au sein du mouvement MAGA, les activistes néonazis dénoncent le soutien de Trump à Israël et créent des tensions avec les évangéliques, pour lesquels c’est une priorité absolue. Ils reprochent à J.D. Vance d’avoir épousé une Indienne, ni blanche ni chrétienne. Certains soupçonnent Trump de ne pas être l’homme à femmes qu’il a toujours prétendu être : son goût pour le maquillage orange et l’eau oxygénée, les dernières fuites du dossier Epstein, et la transformation du Bureau Ovale en bonbonnière digne du boudoir de Zazah Napoli ont semé le doute au sein de la frange viriliste et homophobe du mouvement MAGA. Les plus modérés, tels le libertarien Dave Rubin, appellent désormais Trump et Vance à rompre avec les extrémistes et à faire le ménage dans le mouvement. En réponse, Nick Fuentes, leader des groypers, ces jeunes radicaux, antisémites, anti-élites et virilistes, déclare la mort du mouvement MAGA.

 

Le retour à la réalité des modérés

 

Les électeurs de Trump les plus modérés et les plus lucides constatent aujourd’hui les effets concrets de sa politique. Ses décisions ne semblent profiter qu’à lui et à ses amis magnats de la tech, et la désinformation se heurte aux réalités : inflation, chômage, balance commerciale, croissance économique, promesses non tenues... Trump est passé maître dans le travestissement de la réalité et n’hésite pas à limoger les porteurs de mauvaises nouvelles, mais si le pouvoir d’achat des Américains avait progressé ou si la guerre en Ukraine avait cessé, cela se saurait. Si son implication dans le scandale Epstein se confirmait, Trump perdrait aussi le soutien d’une partie de l’électorat évangélique, qui ne s’est pas ému outre mesure de ses multiples frasques sexuelles, mais aurait du mal à assumer des actes avérés de pédophilie.


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Une victoire démocrate aux midterms?

 

Les divisions du mouvement MAGA et les doutes des électeurs de Trump expliquent les succès inespérés des démocrates aux dernières élections partielles et locales. Le camp Républicain se démobilise et l’opposition retrouve des couleurs. Les opportunistes et les lâches prennent leurs distances avec le mouvement MAGA, dont les dérives s’étalent au grand jour.

 

Certes, le pays n’est pas sorti de l’ornière. Une course contre la montre s’est engagée entre ceux qui veulent faire des midterms l’occasion d’une sanction électorale historique contre les Républicains, et ceux qui veulent continuer à réduire au silence les médias, l'opposition, les intellectuels et les juges, de sorte à peser sur le résultat du scrutin. L’issue de cette course est incertaine, mais le déclin de l’image de Trump – à un plus bas historique parmi tous les présidents américains depuis la seconde guerre mondiale – est un signe encourageant de la vitalité démocratique des Etats-Unis.


Olivier Costa

 

 
 
 
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