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Dans ce blog, je publie régulièrement des textes sur des sujets d'actualité. J'en reprends certains en anglais.

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Dernière mise à jour : 29 sept.


Le 23 juillet, le Nouveau Front Populaire (NFP) a annoncé le nom de sa candidate à Matignon : Lucie Castets, haute-fonctionnaire de la ville de Paris, inconnue du grand public. Quelques heures plus tard, Emmanuel Macron a exclu de la nommer. Il a annoncé que le gouvernement Attal continuerait à expédier les affaires courantes jusqu’à la fin des jeux olympiques, et qu’il ne serait pas remplacé avant la mi-août. Mme Castets a néanmoins exigé de manière répétée d’être nommée Première ministre, et le NFP presse le Président en ce sens ; l’objectif est notamment que la gauche puisse préparer un projet de budget 2025 avant la rentrée. Concrètement, à quoi faut-il s’attendre ?  

 

 

Une candidate surprise à Matignon

 

Mardi soir, 23 juillet, les responsables du NFP se sont mis d’accord, après plus de deux semaines de négociations tendues, pour proposer à Emmanuel Macron une candidate au poste de Premier ministre. L’annonce est intervenue une heure avant un entretien du Président sur France Télévision. Celui-ci a immédiatement douché les espoirs du NFP : « La question n'est pas un nom mais quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée pour qu'un gouvernement puisse passer des réformes et un budget », en rappelant que le NFP n'avait pas de « majorité quelle qu'elle soit ».

 

Dès l’annonce du nom de la candidate du NFP, les responsables, militants et commentateurs politiques se sont lancés dans une surenchère de mauvaise foi. Alors que personne ne savait qui était Mme Castets, la gauche a loué dans les médias et sur les réseaux ses qualités inouïes et affirmé qu’elle bénéficiait d’un immense soutien populaire (Marine Tondelier), tandis que le centre, la droite et l’extrême-droite soulignaient son manque d’expérience et ses idées radicales, et lui imputaient la responsabilité de la dette de la ville de Paris. Immédiatement, des sondages ont été commandés : le 24 juillet, 58% des personnes interrogées estimaient qu’Emmanuel Macron ne devait pas nommer Lucie Castets à Matignon (sondage Elabe pour BFMTV). Les responsables du NFP ont accusé le Chef de l’Etat de ne pas respecter le choix démocratique des citoyens, voire d’opérer un coup d’Etat. Jean-Luc Mélenchon a appelé Emmanuel Macron à « se soumettre ou se démettre ».

 

Qui est Mme Castets et que veut-elle ?

 

Lucie Castets, 37 ans, est diplômée de Sciences Po Paris et de l’ENA. Actuellement directrice des finances et des achats à la ville de Paris, après avoir été pendant trois ans conseillère au cabinet d'Anne Hidalgo en charge du budget et de la finance verte, elle est très engagée sur divers sujets : la justice fiscale, la lutte contre l'évasion fiscale, l'écologie, la défense des services publics. Mme Castets a été présentée comme venant de « la société civile », sous-entendu qu’elle n’a aucun engagement politique et n’est liée à aucune composante du NFP. Elle a elle-même revendiqué un profil particulier, « hors du monde politique » (France Inter, 24 juillet 2024).

 

Mais certains ont fait valoir qu’elle avait été encartée au PS et qu’elle avait été candidate sur la liste du socialiste Nicolas Mayer-Rossignol aux élections régionales de 2015 en Haute-Normandie. Elle a toutefois quitté le PS « en désaccord avec l'orientation politique du quinquennat de François Hollande », comme l’a rappelé le député LFI Paul Vannier (Le Monde 23 juillet 2024). Des commentateurs ont noté que le « ménage » avait été fait pour lisser son profil sur Internet. Ils ont rappelé qu’elle siégeait au bureau de l’Observatoire contre l’extrême-droite, présidé par le sulfureux député LFI Thomas Portes, habitué des prises de position radicales. Du côté de la majorité présidentielle, on a argué que Mme Castets, qui est présentée comme une simple citoyenne, militante de la défense des services publics, par opposition à l’énarque Macron, hors-sol et sans notion de la "vraie vie", est elle-même une énarque, n’ayant aucune expérience professionnelle extérieure à la haute-fonction publique…

 

Les médias ont noté que, sur beaucoup de sujets, Mme Castets a démontré une certaine maîtrise de la langue de bois. Les athlètes israéliens ont-ils leur place aux J.O. ? La candidate à Matignon n’a pas répondu. Certains à gauche ont-ils eu tort de refuser de qualifier le Hamas de mouvement terroriste ? Elle ne « souhaite pas commenter ». Faut-il sortir du nucléaire ? Elle ne se prononce pas pour l’instant. Fallait-il exclure le RN du Bureau de l’Assemblée nationale ? Elle n’a pas d’avis personnel. Envisage-t-elle d’utiliser l’article 49.3 ? Mme Castets indique qu'elle ne peut pas, « par principe », affirmer qu'elle ne le fera pas – même si la gauche a vilipendé les gouvernements Borne et Attal pour l’avoir fait.

 

Peut-elle vraiment gouverner ?

 

Lucie Castets a été pugnace dans les médias pour exiger sa nomination à Matignon et dénoncer le refus d’Emmanuel Macron d’y procéder. Elle a aussi écarté, lors de ses premières interventions, toute perspective de coalition entre la gauche et le camp présidentiel, notamment sur la fiscalité ou les services publics. Mme Castets juge en effet qu’une telle coalition « est impossible du fait de désaccords profonds ».


Elle s’est ensuite montrée plus conciliante. Dans un entretien à la Tribune Dimanche, le 28 juillet 2024, elle a annoncé être prête à faire « des compromis sauf avec le RN ». Elle n’exclut pas de négocier avec les autres partis, au cas par cas, sur des textes précis. Elle a aussi estimé que le NFP pourrait voter des propositions du RN… Mais elle semble toujours décidée à appliquer le programme du NFP et refuse de négocier un accord global avec d’autres partis.

 

En somme, elle fait sien les trois éléments centraux du discours que tiennent les leaders du NFP depuis le 7 juillet. Le premier consiste à revendiquer la majorité, bien qu’il s’agisse d’une majorité relative, la plus faible sous la V° République. Rappelons que, depuis 2022, les élus gauche n’ont cessé de répéter que le groupe Ensemble (Renaissance, Modem et Horizons), qui était composé de 250 députés, formait une « minorité présidentielle »; or la coalition du NFP ne compte que 193 députés.

 


La composition actuelle de l’Assemblée nationale. Source: AN
La composition actuelle de l’Assemblée nationale. Source: AN


En deuxième lieu, Mme Castets, comme le NFP, exige qu’Emmanuel Macron la nomme à Matignon. Mais rien dans la constitution ne l’y oblige, puisque l’article 8 lui laisse entière liberté en la matière. Enfin, elle fait sienne la prétention à « appliquer le programme du NFP, rien que ce programme, tout ce programme ». Mais on ne voit pas comment cela serait possible, avec moins de 200 députés, d'autant que l'élection de la Présidente de l'Assemblée nationale a montré qu'il n'y avait pas de réserve de voix pour le NFP.

 

Le mélange de méthode Coué, de déni et de caprice qui structure le discours du NFP depuis le 7 juillet se heurte durablement à la réalité des résultats et à la constitution française. Personne ne peut faire en sorte que Mme Castets puisse appliquer le programme du NFP sans majorité, car on ne peut ni modifier les résultats du scrutin, ni contraindre les députés hors-NFP à la soutenir, ni réviser la constitution française – qui exige que les lois soient adoptées à la majorité des suffrages exprimés à l’Assemblée nationale comme au Sénat. La revendication par Mme Castets d'un vaste soutien populaire au gré de sa tournée actuelle en France n'y changera rien; le 7 juillet, le NFP n'a recueilli qu'un quart des voix – loin derrière le RN – et il lui manque 100 sièges pour avoir une majorité absolue. L’inextricable situation politique actuelle peut se résumer à cette belle formule, lue sur les réseaux sociaux : « le NFP a gagné au chifoumi contre quelqu’un qui ne jouait pas ».

 

Deux contraintes indépassables

 

Au risque de se répéter, l’équation pour la nomination d’un nouveau gouvernement comprend deux paramètres non modifiables.


D’abord, le NFP – ou tout autre parti – ne pourra gouverner seul. C’est le b.a.-ba du droit constitutionnel et de l’analyse politique, et il est surprenant qu’une partie des élus de gauche persistent à nier cette réalité ou, pire, aspirent à une forme de gouvernement minoritaire faisant fi de la constitution et du résultat des élections. D’aucuns imaginent contourner l’Assemblée nationale à coup de décrets, notamment pour abroger la réforme des retraites, et envisagent le recours au 49.3, présenté hier comme l'instrument d'une dérive autoritaire. Le dédain pour les règles vaut aussi pour les traités européens. Mme Castets veut en effet faire abstraction des règles du Pacte de stabilité budgétaire européen, qui encadre le niveau de déficit et d'endettement des Etats. Mais ce traité a été rédigé à l’initiative de la France, ratifié par celle-ci et ses dispositions s’imposent à elle. Les choses ne peuvent fonctionner ainsi – sauf à tomber dans un régime illibéral ou à quitter l’Union européenne.

 

En second lieu, le risque de censure d’un gouvernement Castets – ou de tout autre non adossé à un accord de coalition – serait grand. Les députés de la majorité présidentielle et ceux du RN ont en effet annoncé, chacun de leur côté, leur intention de censurer un gouvernement qui comprendrait des membres de La France insoumise. La Première ministre pourrait essayer de trouver des majorités, texte par texte. Mme Castets a d'ailleurs détaillé ses premières mesures, qui sont relativement consensuelles : report de l’entrée en vigueur de la réforme des retraites, revalorisation des minima sociaux, rétablissement de l’impôt sur la fortune, renforcement des services publics… Il est possible que le NFP bénéficie du soutien d'autres élus, y compris du RN, sur certains de ces points. On peut aussi imaginer que le RN s’abstienne de voter une motion de censure déposée par Renaissance ou les Républicains, par refus de collaborer avec eux ou par volonté stratégique d’entretenir un chaos profitable à Marine Le Pen en vue des élections présidentielles de 2027. Mais si un gouvernement Castets prenait des initiatives pour sortir du nucléaire, taxer davantage les entreprises ou reconnaître la Palestine, le vote d'une motion de censure serait probable.

 

Emmanuel Macron doit prendre ses responsabilités

 

Le Président ne peut pas continuer, comme il le fait depuis trois semaines, à attendre qu’émerge une majorité à l’Assemblée nationale. La nouvelle situation politique de tripartition (NFP, majorité présidentielle, RN) appelle à faire évoluer la lecture des institutions françaises, mais pas de manière aussi radicale que l'affirme Emmanuel Macron. Certes, il ne peut plus nommer qui bon lui semble, mais il ne peut pas non plus se contenter de temporiser en félicitant les médaillés olympiques jusqu’à ce que des partis politiques négocient un accord majoritaire et se fassent connaître. Le temps presse. Le Président doit prendre l’initiative et organiser ce dialogue, qui ne va pas s’opérer de manière spontanée. Il pourrait déjà rencontrer Mme Castets, pour faire le point sur ses intentions et les soutiens dont elle dispose.


L’entourage présidentiel commence à se mobiliser. Il cherche une alternative à la nomination de Mme Castets et essaie de surmonter les réticences du leader des Républicains, M. Wauquiez, à participer à un gouvernement de coalition. M. Attal et ses proches ébauchent un « pacte législatif » qui pourrait convaincre les Républicains de soutenir un gouvernement issu de la majorité présidentielle. Ce document doit être examiné par les députés macronistes mardi 30 juillet, avant de faire l’objet de discussions avec les représentants d’autres partis.

 

Une cohabitation désormais incontournable?

 

Beaucoup sont sceptiques quant à la possibilité de nommer un Premier ministre issu de la majorité présidentielle. C'est politiquement délicat, après une dissolution ratée, et les Républicains ne semblent pas disposés à gouverner avec Renaissance. L'alternative serait la nomination d'une personnalité expérimentée du centre-gauche ou du centre-droit, n'appartenant pas à la majorité présidentielle, dans une logique de cohabitation. En effet, Emmanuel Macron a fini par reconnaître, lors de son entretien télévisé du 23 juillet, que son camp avait perdu les élections législatives. Cela rend impossible la reconduction de Gabriel Attal ou la nomination d’un proche du Président. Et cela le contraindra à prendre du recul pour laisser le futur Premier ministre gouverner – comme l’avaient fait François Mitterrand et Jacques Chirac lors des premières cohabitations.


Divers noms sont évoqués: Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France, proche des Républicains ; Michel Barnier, ancien ministre de l'Europe et des affaires étrangères et négociateur du Brexit, également proche des Républicains ; Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre et ministre de l’intérieur, figure de la gauche sociale-démocrate... Mais, eux aussi, devront trouver une majorité pour gouverner et inventer de nouvelles relations entre les partis. Ce qui passe nécessairement par la négociation d’un programme de gouvernement consensuel.


Olivier Costa

Dernière mise à jour : 29 sept.


La cérémonie d’ouverture des J.O., malgré une pluie diluvienne et un dispositif périlleux, a largement séduit la presse internationale. Elle a suscité des commentaires plus mitigés en France : d’aucuns ont critiqué son conformisme là où d’autres se sont émus de son caractère iconoclaste. Cependant, les petites provocations de la cérémonie parisienne ne sont pas une simple coquetterie. Car elle constitue un acte politique qui s'inscrit dans un contexte international tendu.



Des commentaires orientés politiquement


Les commentaires sur la cérémonie d’ouverture des J.O. sont un puissant révélateur des orientations politiques des uns et des autres.

 

A l’extrême-gauche, on est forcément critique. Rien de ce que font les pouvoirs publics ne saurait être digne d’intérêt. Ces gens sont conditionnés à ne voir que le côté négatif en toute chose – du moins quand il s’agit d’une démocratie libérale – et à attiser le mécontentement populaire, quel que soit le contexte. Ils n’ont sans doute pas pris la peine de regarder la cérémonie pour la critiquer de bout en bout, et y voir une apologie de tout ce qu’ils honnissent.

 

A l’extrême-droite, c’est pareil. Chaque événement doit être analysé comme le signe d’un déclin inéluctable de ce qui faisait la grandeur de la France. Hier soir, les réactionnaires guettaient la moindre fantaisie pour partager leur courroux sur les réseaux sociaux. Ils ont poussé des cris d’orfraie parce que la cérémonie a mis à l’honneur Aya Nakamura, Lady Gaga, Jamel Debouzze, Philippe Katerine et Gojira, autant d’incarnations, à leurs yeux, du déclin culturel de l’Occident et d’un mépris pour le glorieux passé de la France. Ils se sont étranglés à la vue du clin d’œil fait à la Sainte Cène par des drag queens, à la décapitation de Marie-Antoinette ou au Cavalier de l’Apocalypse.

 


Des provocations gratuites?


Des spectateurs plus modérés se sont eux aussi interrogés sur l’utilité de certaines séquences. Ils ne voient pas pourquoi il était nécessaire de célébrer la communauté LGBTQ, de montrer un monsieur presque tout nu, deux autres qui s’embrassent et un mannequin transgenre, de laisser un chanteur de métal hurler à l’unisson avec une soprano, et d'obliger la Garde républicaine à accompagner une vedette d’afrobeat franco-malienne. Certains ne comprennent pas pourquoi les chrétiens devraient toujours faire preuve d’une ouverture d’esprit qui n’est pas la vertu première des fidèles des autres religions.

 

On aurait certes pu faire sans tout cela. Cultiver, comme l’avait fait Jean Dujardin lors de la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de rugby en 2023, des clichés franchouillards à la Amélie Poulain. Mettre à l’honneur les somptueux terroirs de la France. Célébrer en des tableaux édifiants et grandioses les personnages et les événements de l’histoire nationale. Ne solliciter que des grands noms des arts de la scène française pour les interludes.



Un événement politique


Il reste que l’exercice de la cérémonie d’ouverture ne relève pas seulement du registre du spectacle : il est fondamentalement politique. A ce titre, il était important de bousculer gentiment les esprits étroits, parce que les valeurs de la société française ne sont pas celles du Qatar, de la Russie ou de la Chine. Dans un contexte de tensions croissantes entre des blocs qui ne partagent pas les mêmes intérêts, conceptions et visions de la société et de la place des individus en son sein, et face à la montée de l’antagonisme entre le « Sud global » et les pays occidentaux, il était crucial de rappeler très concrètement ce que sont les valeurs de la France : la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, l’ouverture au monde.


La cérémonie d’hier n’a pas fait la démonstration de l’ordre, de la discipline et du souci du détail mis en scène à Doha, Sotchi et Pékin, au fil de tableaux millimétrés impliquant des milliers de participants surentraînés. Elle n’a pas consisté en une glorification sentencieuse du génie français. Mais on y a dignement célébré les valeurs qui animent la société française – la tolérance, la diversité, la liberté, l'humour, l'inclusion – au fil d’une cérémonie un peu foutraque mais drôle, originale et créative.

 

Olivier Costa






Yaël Braun-Pivet, Présidente sortante de l’Assemblée nationale, membre de Renaissance, vient d’être réélue au terme de trois tours d’un scrutin disputé. D’ordinaire, cette élection n’est pas un événement politique majeur. Depuis le début des années 2000, elle intervient après les élections présidentielles et législatives, quand la messe est dite. En outre, le Président de l’Assemblée nationale est certes le 4° personnage de l’État, mais il ou elle a relativement peu de pouvoir et d’influence, et son rôle est surtout interne à l’institution. Aujourd’hui, l’événement était néanmoins scruté de toutes parts, dans un contexte chaotique où tout le monde guette des indications objectives des rapports de force à l'Assemblée. Bilan de la journée.



Un scrutin d’ordinaire discret

 

En temps normal, peu de citoyens peuvent, spontanément, citer le nom du président ou de la présidente de l’Assemblée nationale. Son élection ne suscite d’ordinaire qu’un faible intérêt des médias, car elle mobilise avant tout les personnes concernées.

 

Cette année, c’est différent, pour quatre raisons.

  • D’abord, l’élection à la présidence a lieu alors que rien n’avance par ailleurs. C’est le premier élément de clarification du paysage politique depuis le 7 juillet. C’était une manière pour le NFP de montrer que ses quatre composantes étaient d’accord sur quelque chose – en l’occurrence le nom de leur candidat au perchoir. Emmanuel Macron avait aussi fait de ce scrutin un moment important, affirmant attendre « la structuration de l’Assemblée » pour prendre la moindre décision.

  • Ensuite, l'élection au perchoir a permis aux différents partis de compter leurs forces, et d’évaluer les ressources dont les trois grands blocs (NFP, majorité présidentielle et RN) disposent et de leur capacité à fédérer au-delà de leurs rangs.

  • En troisième lieu, l’élection intéressait car elle est inédite : pour la première fois depuis 1958, la Présidente de l’Assemblée nationale est issue d’un groupe « minoritaire », qui ne sera peut-être pas au gouvernement. Son rôle ne sera pas aisé, car elle sera structurellement minoritaire dans sa propre Assemblée, alors même qu'elle doit en défendre les intérêts et en organiser les travaux.

  • Pour finir, la fonction aura plus d’importance à l’avenir, compte tenu du rééquilibrage probable entre les pouvoirs exécutif et législatif. La présidence de l’Assemblée devra, d’abord, conduire les travaux de l’assemblée, malgré sa fragmentation. Elle devra aussi contribuer à la définir la stratégie de l’institution, qui sera en capacité de refuser certaines initiatives du gouvernement, quel qu’il soit, et de promouvoir ses propres idées, qui d’ordinaire ne font pas l’objet d’une grande attention de la part du Président et du Premier ministre.



Des règles spécifiques

 

L’élection a mis aux prises six candidats, représentants les principaux groupes politiques. En raison du mode de scrutin, ils sont encouragés à présenter leur propre candidat, du moins au premier tour. Il s’agit d’un scrutin à bulletin secrets, qui met les députés à l’abri de toute pression de la part de leur groupe ou de leur parti ; des surprises sont donc toujours possibles.

 

Aux deux premiers tours, pour être élu, un candidat doit obtenir la majorité absolue des scrutins exprimés ; certains peuvent se retirer au fil des tours de scrutin. Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue au premier ou au deuxième tour, on organise un troisième tour à la majorité relative : le candidat qui a le plus de voix l’emporte.

 

Aujourd'hui, les six candidats étaient :

  • André Chassaigne, député communiste, pour le Nouveau Front populaire (NFP)

  • Yaël Braun-Pivet, Renaissance, pour les groupe Ensemble pour la République et MoDem, Présidente sortante

  • Charles de Courson, centriste, pour le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT)

  • Naïma Moutchou, pour le groupe Horizons

  • Philippe Juvin, pour le groupe de La Droite républicaine.

  • Sébastien Chenu, député RN, pour son groupe et ses alliés LR ciottistes

 


Une élection qui prévoit l’hypothèse d’une absence de majorité absolue

 

Cette élection, comme c'est souvent le cas pour ce scrutin dans les assemblées parlementaires, prévoit l’hypothèse d’une absence de majorité. Plutôt que de multiplier les tours de scrutin identiques, la majorité relative suffit au 3° tour. C’est l’un des mécanismes qui permettent de surmonter l’absence de majorité claire ; un autre serait de limiter l’accès au troisième tour aux deux candidats les mieux placés, comme c’est le cas pour les élections présidentielles au second tour.

 

Cette mécanique institutionnelle est toutefois limitée à ce scrutin, et ne présage pas de la capacité de l’Assemblée nationale à voter des lois. Pour cela, il faudra toujours une majorité absolue des suffrages exprimés, qu’aucun groupe ne semble pouvoir atteindre aujourd’hui – comme en attestent les résultats.



Une élection très disputée

 

Au premier tour, les résultats ont été sans surprise :

  • André Chassaigne (NFP) : 200 voix

  • Yaël Braun-Pivet (Ensemble) : 124 voix

  • Charles de Courson (LIOT) : 18 voix

  • Naïma Moutchou (Horizons) : 38 voix

  • Philippe Juvin (La Droite républicaine) : 48 voix

  • Sébastien Chenu (RN) : 142 voix

 

Aucun candidat n’ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés (286 sur 570), un deuxième tour a été organisé. Naïma Moutchou (Horizons) et Philippe Juvin (La Droite républicaine) se sont retirés, mais Charles de Courson (LIOT) s’est maintenu. Au deuxième tour, les résultats ont été conformes à ce que l’on pouvait attendre, avec un fort report de voix de la droite sur la candidature de la Présidente sortante :

  • André Chassaigne (NFP) : 202 voix (+ 2)

  • Yaël Braun-Pivet (Ensemble) : 210 voix (+ 86)

  • Charles de Courson (LIOT) : 12 voix (- 6)

  • Sébastien Chenu (RN) : 143 voix (+ 1)

 

Le NFP et le RN ont échoué à séduire de nouveaux députés, tandis que Charles de Courson a été victime du vote utile. Aucun candidat n’ayant atteint la majorité des suffrages exprimés (284 sur 567), un troisième tour a été nécessaire. Charles de Courson (LIOT) s'est retiré. Au troisième tour, les résultats ont été les suivants:

  • André Chassaigne (NFP) : 207 voix (+ 5 par rapport au 2° tour, + 7 par rapport au 1er)

  • Yaël Braun-Pivet (Ensemble) : 220 voix (+10 par rapport au 2° tour et +96 par rapport au 1er)

  • Sébastien Chenu (RN) : 141 voix (- 2 voix par rapport au 2° tour, - 1 par rapport au 1er)


La Présidente sortante a donc été réélue, avec une majorité relative seulement. En 2022, lors du second tour, elle avait obtenu 242 voix sur les 462 exprimées, soit la majorité absolue.



Un décompte qui n’augure rien de bon pour la suite

 

Le principal enseignement de cette élection est la confirmation que l’Assemblée nationale est profondément divisée en trois blocs : NFP, Ensemble et divers droites, et RN. Elle a permis à chacun de jauger les forces en présence et d’envisager les possibilités d’alliances.

 

Côté NFP, André Chassaigne a fait un beau score au premier tour, au-delà des 182 sièges du NFP, grâce à ses qualités personnelles : celles d’un élu d’expérience, apprécié par ses pairs, enraciné dans la ruralité. Mais les tours successifs ont montré qu’il n’y a pas de « réserves de voix » pour le NFP: il n'en a gagné que 7 au fil des trois tours.

 

Du côté de la majorité présidentielle, le score au premier tour de la présidente sortante n'était pas très impressionnant (124 voix). Elle aurait dû pouvoir compter sur les voix de deux groupes de la majorité présidentielle : le groupe Ensemble pour la République, ex-Renaissance, qui compte 97 députés et le groupe MoDem, qui compte au moins 33 députés. Le groupe Horizons, qui appartient aussi à la majorité présidentielle, et compte environ 25 élus, a choisi de présenter sa propre candidate, Mme Moutchou, qui a bénéficié d’un score relativement important (38 voix) au premier tour, avant de se retirer. Mme Braun-Pivet a bénéficié des désistements successifs des 2 candidats de droite et du candidat LIOT, et a gagné près de 100 voix au fil des trois tours. Ce résultat laisse augurer de la possibilité d’un accord politique de la majorité présidentielle avec ces élus. Mais cette perspective n’est pas garantie, car les enjeux sont très différents, et l’élection du Président de l’Assemblée n’implique pas un accord politique.

 

Le groupe RN apparaît comme clairement isolé : il a fait le plein des voix au premier tour (142), mais son score est resté stable au fil des trois tours.



Le plus dur reste à venir...


La nouvelle Présidente devra faire en sorte que l’Assemblée puisse fonctionner – dans un contexte encore plus complexe que celui de 2022. Avec une dizaine de groupes, et des députés aussi peu désireux que ceux de LFI et du RN à contribuer à l’apaisement, la tâche sera rude. Le fait que certains réclament que le LFI et le RN soient exclus des postes à responsabilité de l’Assemblée risque d'envenimer les choses plus encore. On saura vendredi s’ils sont effectivement tenus à l’écart du Bureau de l’Assemblée.


Olivier Costa




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