Les démocrates ont subi un revers majeur lors des dernières élections américaines, faute d'avoir opposé un narratif clair à celui de Donald Trump. A présent, ils semblent submergés par le flot de décisions et de déclarations iconoclastes du Président. Plutôt que de proposer une alternative au trumpisme capable de fédérer les électeurs, les voici qui se focalisent sur le sort de… Gaza.

Cet été, à l’époque où Kamala Harris était donnée gagnante par tous les médias, où les Démocrates étaient immensément soulagés de ne plus devoir prétendre que Joe Biden jouissait de toutes ses facultés, où personne ne voyait pourquoi les Américains voteraient à nouveau pour Donald Trump, j’écrivais que Mme Harris ne pourrait pas gagner sans s’adresser au plus grand nombre.
Il convenait, selon moi, qu’elle aille au-delà des thématiques que la droite réactionnaire appelle « woke », ou que l’on peut décrire plus sobrement comme appartenant à la « gauche morale ». La lutte contre les discriminations, la défense des droits des minorités et la promotion des libertés individuelles sont de nobles causes, mais elles ne dessinent pas un projet de société pour le plus grand nombre, notamment pour l’électorat rural ou modeste qui a massivement voté pour Trump. On pourrait faire des constats similaires dans nombre de pays européens, y compris en France, où la gauche semble avoir choisi de ne s’adresser qu’à certains groupes de la population, et considère avec une moue de dégoût l’électorat populaire désormais acquis au RN.
Le slogan de Donald Trump « Make Americain Great Again » ne veut pas dire grand-chose, mais il constitue un objectif que peuvent partager la plupart des Américains, quelles que soient leur condition et leurs priorités. Kamala Harris a, quant à elle, fait campagne sur le thème « We Are Not Going Back », sous-entendu, « nous ne voulons pas d’un nouveau mandat de Trump ». Mais peut-on gagner une élection en se contentant de dénoncer son adversaire ? Il faudrait interroger Lionel Jospin...

Les Démocrates n’ont toujours pas compris pourquoi ils ont connu un revers aussi sévère, à la Maison blanche comme au Capitole. Ainsi, alors que depuis le 20 janvier Donald Trump enchaîne les décisions absurdes ou illégales, les outrances et les provocations, alors qu’Elon Musk et sa clique du DOGE s’essuient les pieds sur la loi et les juges, que font les Démocrates ? Ils lancent une procédure d’impeachment. Ce choix est problématique à deux titres. D’abord, la démarche n’a aucune chance d’aboutir, compte tenu de la domination des Républicains au Congrès ; elle ressemble aux motions de censure que les Insoumis déposent chaque semaine à l’Assemblée nationale. Ensuite, ils justifient le lancement de cette procédure par la proposition de Donald Trump au sujet de… Gaza.
Certes, son idée est inepte à plus d’un titre, complètement déconnectée des règles du droit international et de la situation au Moyen-Orient, et est susceptible d’embraser toute la région. Mais qu’est-ce que l’Américain moyen sait de Gaza ? Est-ce qu’il s’en soucie le moins du monde ? Sur les réseaux sociaux, les citoyens ordinaires parlent du prix de la douzaine d’œufs et de celui du pick-up F150, pas de Gaza. Et il est probable que Donald Trump, qui est incontrôlable mais pas idiot, a avancé cette proposition, tout comme celles relatives au Groenland, au Canada ou au Canal de Panama, pour détourner l’attention des médias et des Démocrates du coup d’État silencieux qu’il est en train de mener et de la réforme fiscale qui va enrichir un peu plus encore les milliardaires de son entourage.

Et les Démocrates sont tombés dans le panneau. En lançant cette procédure, ils brassent du vent et ne s’adressent, une fois de plus, qu’à une frange de leurs militants. Qu’ont-ils à dire à la population ? Quelle alternative proposent-ils au protectionnisme et à la xénophobie de Trump ? On l’ignore. Celui-ci peut continuer tranquillement à détricoter la démocratie américaine, à déréguler l’économie et à saper le multilatéralisme au nom de la défense des intérêts des Américains. Les Démocrates, eux, s'occupent de Gaza.
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