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Photo du rédacteurOlivier Costa

Fallait-il nécessairement se moquer de Marie-Antoinette?


La cérémonie d’ouverture des J.O., malgré une pluie diluvienne et un dispositif périlleux, a largement séduit la presse internationale. Elle a suscité des commentaires plus mitigés en France : d’aucuns ont critiqué son conformisme là où d’autres se sont émus de son caractère iconoclaste. Cependant, les petites provocations de la cérémonie parisienne ne sont pas une simple coquetterie. Car elle constitue un acte politique qui s'inscrit dans un contexte international tendu.



Marie-Antoinette tenant sa propre tête



Des commentaires orientés politiquement


Les commentaires sur la cérémonie d’ouverture des J.O. sont un puissant révélateur des orientations politiques des uns et des autres.

 

A l’extrême-gauche, on est forcément critique. Rien de ce que font les pouvoirs publics ne saurait être digne d’intérêt. Ces gens sont conditionnés à ne voir que le côté négatif en toute chose – du moins quand il s’agit d’une démocratie libérale – et à attiser le mécontentement populaire, quel que soit le contexte. Ils n’ont sans doute pas pris la peine de regarder la cérémonie pour la critiquer de bout en bout, et y voir une apologie de tout ce qu’ils honnissent.

 

A l’extrême-droite, c’est pareil. Chaque événement doit être analysé comme le signe d’un déclin inéluctable de ce qui faisait la grandeur de la France. Hier soir, les réactionnaires guettaient la moindre fantaisie pour partager leur courroux sur les réseaux sociaux. Ils ont poussé des cris d’orfraie parce que la cérémonie a mis à l’honneur Aya Nakamura, Lady Gaga, Jamel Debouzze, Philippe Katerine et Gojira, autant d’incarnations, à leurs yeux, du déclin culturel de l’Occident et d’un mépris pour le glorieux passé de la France. Ils se sont étranglés à la vue du clin d’œil fait à la Sainte Cène par des drag queens, à la décapitation de Marie-Antoinette ou au Cavalier de l’Apocalypse.

 

Lady Gaga interprétant "Mon truc en plume"



Des provocations gratuites?


Des spectateurs plus modérés se sont eux aussi interrogés sur l’utilité de certaines séquences. Ils ne voient pas pourquoi il était nécessaire de célébrer la communauté LGBTQ, de montrer un monsieur presque tout nu, deux autres qui s’embrassent et un mannequin transgenre, de laisser un chanteur de métal hurler à l’unisson avec une soprano, et d'obliger la Garde républicaine à accompagner une vedette d’afrobeat franco-malienne. Certains ne comprennent pas pourquoi les chrétiens devraient toujours faire preuve d’une ouverture d’esprit qui n’est pas la vertu première des fidèles des autres religions.

 

On aurait certes pu faire sans tout cela. Cultiver, comme l’avait fait Jean Dujardin lors de la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de rugby en 2023, des clichés franchouillards à la Amélie Poulain. Mettre à l’honneur les somptueux terroirs de la France. Célébrer en des tableaux édifiants et grandioses les personnages et les événements de l’histoire nationale. Ne solliciter que des grands noms des arts de la scène française pour les interludes.



Philippe Katerine en Dionysos devant une évocation de la Sainte-Cène

 


Un événement politique


Il reste que l’exercice de la cérémonie d’ouverture ne relève pas seulement du registre du spectacle : il est fondamentalement politique. A ce titre, il était important de bousculer gentiment les esprits étroits, parce que les valeurs de la société française ne sont pas celles du Qatar, de la Russie ou de la Chine. Dans un contexte de tensions croissantes entre des blocs qui ne partagent pas les mêmes intérêts, conceptions et visions de la société et de la place des individus en son sein, et face à la montée de l’antagonisme entre le « Sud global » et les pays occidentaux, il était crucial de rappeler très concrètement ce que sont les valeurs de la France : la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, l’ouverture au monde.



Le groupe de metal landais Gojira

 

La cérémonie d’hier n’a pas fait la démonstration de l’ordre, de la discipline et du souci du détail mis en scène à Doha, Sotchi et Pékin, au fil de tableaux millimétrés impliquant des milliers de participants surentraînés. Elle n’a pas consisté en une glorification sentencieuse du génie français. Mais on y a dignement célébré les valeurs qui animent la société française – la tolérance, la diversité, la liberté, l'humour, l'inclusion – au fil d’une cérémonie un peu foutraque mais drôle, originale et créative.

 

Olivier Costa





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